Une révolution face à l’extinction ?

Pour Aurélien Barrau, astrophysicien, docteur en philosophie, militant écologiste auteur de l’appel Le Plus Grand Défi de l’histoire de l’Humanité (et du livre du même nom, publié en 2019), face à l’extinction massive des espèces (qui entrainera à terme celle de l’espèce humaine), il faut une Révolution radicale ! 
J’ai écouté cette conférence il y a quelques jours et je l’ai trouvée tellement éblouissante de clarté et de précision que j’ai décidé de la résumer.

Par Annie Lecat

Pourquoi nous en sommes là ?

Le niveau général d’incompréhension et d’incompétence est à distinguer de la corruption. Le problème essentiel, originel est notre inconsidération de la vie et de penser que cette dernière puisse n’être qu’une « ressource », qui nous pousse à croire que le problème est essentiellement climatique, qu’il revient à un problème d’ingénieur. Même si on arrêtait de produire du CO2 on serait quand même dans la 6ème extinction massive des espèces ! Or la différence avec les précédentes c’est que cette dernière est délibérée. La première cause de disparition de la vie sur Terre c’est l’étiolement des espaces de vie des non humains. S’il n’y a plus de lieu pour vivre, alors c’est la mort. C’est aussi simple que ça.


La cause suivante de cette disparition, qui touche aussi les humains, c’est la pollution.

* Le fait qu’on se pose les mauvaises questions. Est-il trop tard ? Oui, mais la vraie question c’est trop tard pourquoi ? Est-ce qu’on va s’en sortir ? Oui. Mais qui ? Est-ce réversible ? Non, les morts ne reviennent pas. Est-ce que le problème, c’est la démographie ? (alors que l’Afrique est le seul continent à ne pas en être responsable) Le problème ce sont les 1% les plus riches émettent 2 fois plus de CO2 que les 50 % les plus pauvres. On peut en avoir peur, mais ce n’est pas le problème.

* Le différentiel temporel entre le temps politique et celui de l’apparition des bénéfices attendus liés aux actions entreprises par les gouvernants. A supposer que la population soit consciente des problèmes elle ne pourrait pas créditer ces derniers de leur actions pour les résoudre car les temps géologiques ne sont pas les mêmes. Il faut trouver comment agir dans une démocratie car on ne veut pas d’une dictature. Par exemple, le point numéro 1 qui ressortait de la convention citoyenne mais qui n’a pas été exprimé parce que cette dernière s’est auto censurée (ses propositions n’ont pas été retenues pour autant), c’était le renoncement à la croissance !

*La force et en même temps la « méchanceté » (autrement dit le pouvoir et la volonté de nuisance) de la puissance de Réaction pour laquelle tous les coups sont permis, cf le lynchage médiatique de Greta Thunberg et les menaces de mort et assassinats d’écologistes. Il faut savoir qu’ils ne reculeront devant rien et iront jusqu’au meurtre si nécessaire.

* Le recours à la pensée « Magique » autrement dit croire au père Noël, imaginer une croissance perpétuelle, croire qu’on peut décoreller le PIB de l’impact écologique, alors que ça ne s’est jamais produit dans le passé. Penser que cela va finir quand il n’y aura plus de pétrole (alors qu’on peut très bien l’extraire jusqu’à la dernière goutte et se retrouver dans le pire scénario). Croire que les énergies renouvelables vont tout résoudre alors que le vrai problème ce n’est pas la production d’énergie mais ce que l’on en fait (on peut détruire des forêts avec des machines électriques ou à hydrogène aussi sûrement qu’avec des engins thermiques). Croire que la Science va nous sauver alors que les véritables scientifiques sont ceux qui sonnent l’alarme.

*L’incompétence, en particulier des élites. Ex : Macron avec la 5G qui traite d’amish c’est à dire d’attardés dans sa bouche ceux qui osent la critiquer. Alors que le bénéfice, si tant est qu’il existe réellement (avoir des troupeaux connectés ? pouvoir regarder du porno dans l’ascenseur ? La météo sur son frigo ? faire des opérations avec un conseil chirurgical à distance, oui mais pour qui ?) est bien moindre que le risque, surtout si on regarde les coûts. Le fait même que la 5G consomme moins que la 4 n’est pas un argument puisqu’elle va au final multiplier par 3 à 4 la consommation électrique du numérique. L’on peut se demander si l’intérêt principal n’est pas de susciter la fabrication et l’achat de nouveaux termainaux. De fait la 5G représente une contribution active à la destruction de la Vie sur Terre. Et ceux qui croient que c’est un progrès ne sont que des bouffons ! Est-ce que telle ou telle évolution technique est le problème et non la solution ?

* Croire que la solution est dans l’éthique individuelle. C’est bien, les petits gestes mais quand il y a un problème systémique il faut une solution systémique. D’autant que l’action individuelle n’est que partiellement libre dans un cadre idéologique global qui valorise les activités de prédation.

* Croire que tout va s’arranger grâce à la hausse d’efficacité des technologies c’est nier l’usage qu’on en fait. Si un téléphone consomme moins on va pouvoir l’utiliser davantage et cela ne réduira pas globalement la consommation d’énergie, bien au contraire. Le problème c’est l’énergie elle même et l’usage qu’on en fait. Des avions propres pour aller faire du tourisme dans des lieux « vierges » qui du coup ne le seront plus cela n’enlèvera pas la nocivité du tourisme.

* Supposer implicitement une corrélation entre les mots et les choses, que parce qu’on en parle le problème est en cours de résolution
* Penser qu’une énergie nouvelle développée va en supplanter une autre alors qu’elles ne feront que s’empiler, s’ajouter.
* Se méfier des effets de mode, cf. l’hydrogène qui n’est pas une solution globale avec la délocalisation de sa production
* Se focaliser sur un ennemi unique plutôt que sur un autre alors que les causes sont multiples, comme le CO2, le capitalisme ..


Révolution (à 49′ sur la vidéo)

« On peut être écolo et manger de la viande ? Faux, la viande c’est une catastrophe pour l’humanité, pour les animaux et pour le climat. »

* Il faut une révolution politique, au niveau de l’organisation de la cité, de la structure de fonctionnement institutionnel et de la pratique du pouvoir. Et même maintenant avec le covid on ne se pose pas les questions qu’il faudrait se poser
* Il faut une révolution économique. Un autre monde est à réinventer
* Il faut une révolution symbolique, un changement de paradigme. Si ce qui aujourd’hui est un marqueur de réussite devenait un marqueur de délinquance cela changerait beaucoup de choses
* Il faut une révolution scientifique car on ne peut pas revenir en arrière et par exemple éliminer le CO2
* Il faut une révolution du « désir« , de ce qu’ont envie les gens

A propos de la poésie : « La poésie, c’est la précision, la rigueur et la capacité à déconstruire le langage tout en le maitrisant, savoir de quoi on parle et oser la violence créatrice face à l’objet de son intérêt qui s’oppose à la brutalité »

Violence et liberté : Il y a un problème méthodologique, avec la liberté qui est désormais opposée à l’écologie. Comment concilier les vérités qui sont mutuellement exclusives ? pouvoir changer de portable sur amazon ou respirer un air respirable ? Aujourd’hui c’est l’inaction qui est ultra violente. Et en réalité on vit dans cette violence de la destruction des êtres vivants. Un enfant meurt de faim toutes les 5 secondes. Mille milliards d’êtres vivants sont tués chaque année.

« Jamais un système n’a subi une révolution organisationnelle sans qu’il soit empêché de fonctionner. De fait ce qui pourrait amener à gripper le fonctionnement bien huilé de ce système pourrait être bienvenu.. « 

En conclusion

Tant que nous n’avons pas compris que ce que nous faisons de l’Énergie (au sens large) est dévastateur – indépendamment de tout rejet de gaz à effet de serre -, la vie sur terre va s’éteindre si on ne change pas notre manière d’être.
Si on garde la vision de l’ancien monde cela sera associé à un inconfort considérable pour les pays riches. Mais ce n’est dérangeant que parce que nous ne changeons pas d’indicateur quand à notre expérience de vie.
La décroissance, comme la croissance n’est qu’une question de critères de sens.